Le Ministre de l’Economie et des Finances du Burkina Faso, Monsieur Jean Gustave SANON, Gouverneur du FMI et de la Banque Mondiale a conduit, du 14 au 21 avril 2015 à Washington, D.C, aux Etats-Unis d’Amérique, la délégation du Burkina Faso aux réunions de printemps de ces deux institutions. Au cours de son séjour, le Ministre Jean Gustave SANON a entre autres actions procédé à la signature, le 15 avril 2015, d’un accord de financement sous forme d’appui budgétaire général d’un montant global de cent millions (100 000 000) de dollars US soit environ soixante un milliards (61 000 000 000) de FCFA.

Quel bilan faites-vous de la participation de la délégation aux rencontres avec le FMI et les autorités de la Banque Mondiale ?

Jean Gustave SANON : Merci d’avoir bien voulu nous approcher pour avoir le bilan de notre participation à la rencontre de printemps 2015 du FMI et de la Banque Mondiale. Avant de répondre à votre question, je voudrais d’abord justifier la raison de notre présence à Washington.

A ce sujet, il faut savoir que dans le cadre des activités du FMI et de la Banque Mondiale dont le Burkina Faso est membre, il est organisé chaque année deux réunions. La première qui se tient en avril est communément appelée réunion de printemps. Une deuxième rencontre se tient au mois d’octobre et est appelée assemblées annuelles C’est parce que nous sommes gouverneur de ces deux institutions que avons conduit une délégation de notre pays pour participer à la présente réunion.

La délégation est composée en outre des deux gouverneurs suppléants de la Banque mondiale et du FMI qui sont respectivement le directeur général de la coopération et le directeur général du trésor et de la comptabilité publique. Et comme autres membres, il y a le directeur national de la BCEAO pour le Burkina (pris en charge par son institution)et le directeur du suivi des programmes financiers.

Comme vous le constatez, le nombre est des plus réduit. Cela entre en droite ligne de nos actions visant à réduire le train de vie de l’Etat. Nous sommes l’une des délégations dont la composition est des plus modestes comparativement à celle d’autres pays que je ne voudrais pas citer. C’est pour tenir compte de la situation financière actuelle de notre pays.

Que peut-on retenir de l’entretien avec le FMI ?

En termes de bilan, côté FMI, nous avons eu une rencontre bilatérale avec les membres de l’équipe pays présidée par le chef de la mission et moi-même. Nous avons rencontré la directrice du département Afrique du FMI. Nous avons saisi l’occasion pour passer en revue la situation socio-économique de notre pays. Nous avons aussi eu des échanges avec le département des finances publiques pour parler de l’assistance technique.

En termes de résultats, il faut noter la finalisation des deuxième et troisième revues, tenues en mi-mars dernier à Ouagadougou. Ces revues ont été concluantes et les dossiers devraient être examinés par le conseil d’administration du FMI le 27 mai 2015. C’est un acte très fort qui dès son approbation par le conseil d’administration permettra aux autres partenaires techniques et financiers de nous accompagner, avec un décaissement de 24.8 millions de DTS ; parce que l’avis de FMI sur la situation économique et financière d’un pays emporte l’adhésion des autres.

Avec la Banque Mondiale ?

Au niveau de la Banque Mondiale, nous avons eu à rencontrer un certain nombre d’autorités dont le vice-président de la région Afrique, le directeur des opérations pour le Burkina. Avec ce dernier, nous avons passé en revue le portefeuille de la Banque Mondiale pour le Burkina et ensemble, envisagé les perspectives.

S’agissant des perspectives, nous avons convenu de garder la stratégie actuelle qui contient les défis structurels et qui sont pris en compte au niveau de la SCADD. Il ya toutefois des ajustements à faire pour faire coïncider ces perspectives avec les besoins qui ont été exprimés par les populations comme la soif de la bonne gouvernance, l’emploi des jeunes et des femmes etc.

Avec les autorités de la Banque Mondiale, nous avons signé un certain nombre de documents dont un accord d’appui budgétaire de 100 millions de dollars américains (61 milliards de FCFA). Nous avons également procédé avec la Banque Mondiale à la signature d’une lettre de politique de développement visant la facilitation du transport au niveau du corridor Ouaga-Abidjan. Ce programme vise à faciliter les échanges entre les deux pays à travers une professionnalisation du secteur, la rénovation du parc de transport, la réduction des coûts du transport et l’allègement des procédures au cours du dédouanement. Ce programme d’appui budgétaire régional est d’un montant global de 200 millions de dollars US (122 milliards de FCFA)dont 100 millions de dollars US (61 milliards de FCFA) pour chaque pays sous forme de prêt qui sera décaissé en deux tranches annuelles égales de 50 millions de dollars US soit 30,5 milliards de FCFA.

Il faut souligner que la Banque a aussi approuvé , lors de son conseil d’administration du 02 avril 2015, le financement, sous forme de don, du projet d’amélioration de l’accès et de la qualité de l’éducation pour un montant de 50 millions de dollars soit 30,5 milliards de FCFA.

Quelles sont les appréciations de l’une et l’autre institution sur l’état de l’économie burkinabè ?

Jean Gustave SANON : Pour ces deux institutions, il y a que nous connaissons une situation relativement difficile. Le taux de croissance de 2014 est finalement ressorti à 4% et les perspectives pour 2015 sont de l’ordre de 5%. C’est le constat que les deux institutions partagent avec nous. Cette situation est due à la conjonction d’un certain nombre de facteurs notamment la baisse du cours de l’or et du coton, la crise de l’Ebola, l’attentisme des opérateurs économiques et financiers et la situation socioéconomique.

La deuxième chose, est que ces deux institutions sont unanimes pour reconnaître que les efforts du Burkina pour préserver l’équilibre des fondamentaux macroéconomiques malgré la difficulté de la situation. Et c’est ce qui vaut qu’on ait pu conclure, au plan technique avec le FMI, la poursuite du programme économique et financier.

Le Gouvernement de transition a certainement besoin de disposer de ressources financières importantes voire exceptionnelles pour relancer la croissance qui a connu une régression en si peu de temps. Que peuvent et veulent faire la Banque Mondiale et le FMI pour accompagner la transition pour le temps qui lui reste ?

Jean Gustave SANON : Ces deux institutions apportent déjà leurs contributions et leur accompagnement comme je l’ai indiqué tantôt. Je peux citer le cas de la Banque Mondiale dont l’appui budgétaire initialement de 70 millions de dollars a, en définitive, été porté à 100 millions de dollars (61 milliards de FCFA), de même que l’approbation du financement du projet dans l’éducation. Au regard de la situation préoccupante du secteur de l’électricité que nous avons portée à la connaissance des autorités de la Banque Mondiale, elle a décidé aussi d’envoyer une équipe la semaine prochaine au Burkina pour aider à trouver des solutions pour le secteur de l’énergie. Et dans le programme de la Banque Mondiale, il y a également des actions en cours et qui vont se poursuivre. Quant au FMI, elle poursuit son soutien au Burkina avec la conclusion au plan technique des 2eme et 3eme revues.

C’est dire que ces deux institutions nous accompagnent déjà. Mieux, elles sont dans la dynamique d’accroitre leur accompagnement et de décaisser avec la plus grande célérité les accords conclus.

Comment se réalise le budget d’austérité dont le gouvernement de transition a décidé d’appliquer ?

D’abord quand on dit budget d’austérité, il y en a des gens qui prennent cela comme une censure. En fait, par budget d’austérité, il faut comprendre que nous avons été amenés à rendre compatible nos ambitions de dépenses avec nos potentialités réelles de mobilisation des ressources. C’est ça le budget d’austérité. Bien sûr en tenant compte d’un niveau de déficit soutenable et finançable.

Si vous prenez le budget de 2015 en l’espèce, il est de 1515 milliards de FCFA en recettes et en dépenses de 1815 milliards. Ce qui fait un déficit de 300 milliard environ. Qui est en hausse de 70% par rapport à l’exercice précédent. Mais si vous soustrayez de ce budget les dépenses de personnel notamment la masse salariale. Vous soustrayez les dépenses de remboursement de la dette et les dépenses de fonctionnement. Il ne reste que 27 milliards de FCFA pour financer tout le reste, notamment l’investissement. Vous vous rendez compte que ce n’est pas une situation d’aisance et d’abondance. Ce qui peut conduire à dire que c’est un budget d’austérité.

Sinon, la logique voudrait que si on veut la croissance, il n’y a que les investissements qui peuvent l’engendrer et pas les salaires ou les dépenses courantes. Mais c’est à notre corps défendant que nous sommes amenés à faire des coupes à ce niveau.

En tant que Ministre en charge des finances du Burkina, comment managez-vous un budget d’austérité avec tant de revendications sociales qui demandent souvent des réactions "sur le vif" ?

Jean Gustave SANON : Même en temps normal, aucun gouvernement au monde n’arrive à donner satisfaction totale à toutes les revendications. Mais le gouvernement du Burkina Faso, le gouvernement de la transition a été sensible aux problèmes d’emploi des jeunes et d’emploi rémunérateur des femmes, aux besoins de santé et d’amélioration des conditions dans le domaine de l’éducation.

C’est pourquoi le gouvernement a entrepris un certain nombre de mesures pour réduire le train de vie de l’Etat, dont le montant dégagé va être affecté à des projets dans les secteurs de l’emploi, de la santé et de l’éducation.

Je prends un exemple. Les baux administratifs sont de 4 milliards de FCFA. Nous allons travailler à ce que ce montant puisse être réduit, quand bien même on a inscrit les 4 milliards au budget de l’Etat. Sur la masse salariale inscrite au budget de l’Etat, nous allons faire une opération billetage pour déceler les cas d’anomalies. Le parc automobile de l’Etat, le nombre de délégation des missions, les conditions de voyage...Tout cela devrait nous permettre d’économiser environ 25 milliards que nous allons affecter notamment à l’emploi des jeunes et des femmes à travers ce que nous avons appelé le programme socio-économique d’urgence de la transition qui devrait permettre de créer 30000 emplois permanents.

Egalement, nous allons continuer la construction de centres de santé et de promotion sociale (CSPS) ainsi que des écoles normalisées dans toutes les régions puisqu’aujourd’hui au Burkina Faso des élèves continuent de suivre les cours dans des classes sous paillottes. Tout ça avant la fin de l’année malgré ce contexte de budget d’austérité.

Maintenant, par rapport aux revendications salariales dont vous faites allusion, je pense que le 1er mai s’approche. Il y a un cahier de doléances qui a été déposé et des réponses officielles vont être données à ce niveau. Mais, pour le gouvernement de transition , nous considérons les syndicats comme des partenaires sociaux . Et dans le dialogue et la concertation, nous allons pouvoir trouver des solutions.

Le financement des élections du 11 octobre 2015 est-il ou non un souci pour votre pays si certains partenaires venaient à désister au regard des contestations nées de l’adoption le 07 avril du code électoral où certains estiment qu’il y a exclusion et non inclusion de tous les acteurs ?
S’agissant des consultations électorales, le gouvernement a traduit dès le début sa volonté de faire tenir les élections. Malgré le contexte difficile, l’Etat a inscrit 25 milliards dans la loi de finances exercice 2015.

Par la suite, dès que le choix a été fait d’organiser des élections couplées en 2015, et d’organiser les élections communales en janvier 2016, sachant que le processus va commencer en 2015, le budget a été arrêté à 54 milliards de FCFA. Si on prend 54 milliards moins 25 milliards que l’Etat a inscrit au budget, il manque 29 milliards de FCFA.

Sur ces 29 milliards, on peut considérer que les partenaires techniques et financiers apportent environ 8milliardsconformement à la situation la plus récente. Il resterait 21 milliards à rechercher, C’est ce qui ressort de la dernière réunion du groupe de contact qui a eu lieu en fin mars 2015 à Ouagadougou. Nous sommes encore loin du mois d’octobre 2015 ou janvier 2016 pour les communales. Nous n’avons pas d’inquiétude à ce stade.

S’agissant du lien que vous faites avec les dispositions du code électoral adopté en avril dernier, je puis vous affirmer qu’à ce jour, aucun partenaire financier n’a remis en cause sa contribution ou son engagement. Mais, ce qui est sûr, c’est que le gouvernement, à travers le Ministre délégué à la coopération régionale, a eu à rencontrer l’ensemble du corps diplomatique et les partenaires techniques et financiers installés à Ouagadougou et leur a expliqué les tenants et les aboutissants de cette loi.

Comme vous le savez aussi, les partis politiques de l’ex-majorité ont opté pour une solution judiciaire. Ils ont saisi les instances judiciaires habilitées et le gouvernement de la transition, est soucieux de la légalité. S’il ya une décision judiciaire, nous ne sommes pas au dessus des lois de notre pays.

Est-ce qu’avec les responsables du FMI ou de la Banque Mondiale, le sujet a été abordé et comment ?

Jean Gustave SANON : Oui. Comme vous le savez, le premier ministre a été interpellé en personne sur la question lorsqu’il a rencontré le vice-président de la Banque Mondiale, le jeudi 16 avril 2015. La question a été abordée à titre d’information. Mais elle n’a pas donné lieu à un débat avec prise de position donnée de ces institutions.

On peut dire que vous avez eu raison de venir à ces rencontres du FMI et de la Banque Mondiale ?

Jean Gustave SANON : En réalité, ce n’est pas une formalité que de venir à ces assemblées régulières du FMI ou de la Banque Mondiale. C’est vraiment des occasions très utiles, pour parfois finaliser sur place au siège de ces deux institutions, un certain nombre d’accords et les signer. C’est l’occasion également d’approfondir certains sujets d’importance puisque nous avons la chance de rencontrer les plus hautes autorités de ces institutions.

C’est aussi l’occasion de rencontres bilatérales. Par exemple, nous avons rencontré les responsables de la SFI, de la JICA, l’administrateur de la France pour le FMI etc. C’est dire que ce sont des occasions de rencontres très utiles et qui permettent d’avancer sur certains dossiers.

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